Aller au contenu

Droits des occupants en cas de démolition du logement

Logement occupé par son propriétaire : démolition hors opération d'aménagement

La propriété individuelle

La démolition d’un logement appartenant à une personne privée qui occupe ce logement (nécessairement une personne physique) nécessite au préalable que la personne ait été dépossédée de son bien.

Le droit de propriété est défini à l’article 544 du Code civil comme le droit de jouir et disposer d’une chose de la façon la plus absolue.
Ce droit absolu recouvre non seulement la possibilité d’effectuer toutes sortes d’actes juridiques mais aussi le droit de ne rien faire.
Le propriétaire peut toujours conserver son bien, on ne peut le forcer à s’en dessaisir. De la même façon, le propriétaire est libre de ne pas détruire son bien.

Toutefois, cette liberté rencontre deux limites : la cession forcée et la destruction forcée. Un propriétaire peut être contraint à la démolition de son bien en cas de péril, ou de ruine ou à la cession forcée lorsqu’une personne publique doit prendre possession d’un bien pour des raisons d’utilité publique.

Rien n’empêche la personne publique de tenter d’acquérir le logement à l’amiable ou d’attendre d’exercer un droit de préemption pour prendre possession de l’immeuble, mais la personne publique dispose de moyens lui permettant d’imposer la cession.

La cession forcée ne peut être réalisée que par l’expropriation pour cause d’utilité publique.
On ne peut pas exproprier pour cause d’utilité privée.

Il n’est pas nécessaire de se situer dans une opération d’aménagement pour qu’il y ait  expropriation pour cause d’utilité publique.

Rappel des principales règles de la procédure d’expropriation

Qui peut exproprier ?

Si seul l’Etat est détenteur, au sens strict, du droit d’exproprier, plusieurs personnes sont habilitées à demander l’engagement d’une procédure d’expropriation à leur profit ou pour le compte de tiers. Il s’agit de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics.
Exceptionnellement des organismes de droit privé investis d'une mission d'intérêt général peuvent également recourir à l'expropriation.

L’expropriant peut être le bénéficiaire de l’expropriation. Il peut arriver cependant que l'expropriation bénéficie à un tiers et ce alors même que celui-ci n'est pas habilité à recourir lui-même à l'expropriation (ex : personnes de droit privé)

Le législateur permet, dans certains cas, à l'expropriant de céder de gré à gré ou de concéder temporairement les terrains expropriés à des personnes de droit privé.
L'article L. 21-1 du Code de l'expropriation énumère les cas dans lesquels cette possibilité est offerte, parmi lesquels figurent notamment la construction d'ensembles immobiliers à usage d'habitation, ainsi que la création de lotissements destinés à l'habitation ou à l'industrie, de même que l'aménagement progressif des zones affectées à l'habitation ou à des activités par des plans d'occupation des sols rendus publics ou approuvés, les opérations dans les ZAC ou de résorption de l'habitat insalubre.

Dans quels cas peut-on exproprier ?

L’opération envisagée doit être d’utilité publique.

La déclaration d’utilité publique prend acte de l’intention de l’administration de procéder à la réalisation d’un projet déterminé.
Elle n’oblige pas l’expropriant à aller jusqu’au bout de son projet, mais elle le lie au cas où il décide de le réaliser.
Il peut y avoir cession amiable (Code de l’Expropriation : L.12-2) au cas où le transfert de propriété consenti aux termes d'un accord conclu entre les parties porte sur des biens dont l'acquisition a été déclarée d'utilité publique.

Les droits du propriétaire occupant exproprié

Le bien devient propriété de l'expropriant à compter de la date de l'ordonnance d'expropriation.

Le bénéficiaire de l’expropriation est la personne à qui est transférée la propriété du bien exproprié et qui a seule qualité pour diligenter la procédure indemnitaire.

Le principe est l’indemnisation financière de la personne dépossédée de son bien. La possibilité de remplacer l’indemnisation financière par la fourniture d’un relogement n’est prévue qu’au profit des personnes listées à l’article L.13-20 : le commerçant, l’artisan ou l’industriel et ne concerne pas les occupants de locaux d’habitation expropriés.
Les expropriés ne peuvent invoquer un quelconque droit au relogement au sens où l’entend l’article 314-1 du code de l’urbanisme (cf. Droits des occupants en cas d’opération d’aménagement) mais des dispositions destinées à favoriser la recherche d’un nouveau logement existent.

L’indemnisation de la perte du logement

L’indemnité peut être fixée à l’amiable ou judiciairement.

L'expropriation constituant un mode de cession forcée des biens, l'exproprié perçoit à cette occasion non pas un prix correspondant à une vente mais une indemnité visant à réparer le préjudice subi par celui-ci, dont le montant est déterminé sur les bases du Code de l'expropriation : « Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. » (L.13-13).

La juridiction fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété (Code de l’Expropriation : L.13-14).

L’indemnité se décompose en une indemnité principale, représentant la valeur patrimoniale des biens expropriés et des indemnités accessoires correspondant à divers préjudices et qui, à l'exception de l'indemnité de remploi, ne sont pas répertoriées dans le Code de l'expropriation (R.13-46).
Exemples : une indemnité de déménagement (Cass. Civ III : 9.7.97), une indemnité couvrant le préjudice consécutif aux frais de remboursement d'un emprunt que l'exproprié avait contracté (Cass. Civ III : 18.3.70 et 25.2.98).
A noter, le préjudice moral n’est pas susceptible de donner lieu à indemnisation.
L'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale.
Toutefois, il ne peut être prévu de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique.
Le montant de l'indemnité de remploi éventuellement prévue, doit être calculé compte tenu des avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de biens de remplacement.
L'allocation d'une indemnité de remploi est également due en cas de cession amiable effectuée dans le cadre d'une procédure d'expropriation.

Dispositions destinées à faciliter le relogement de l’exproprié

L’exproprié bénéficie d’ un droit de priorité pour l’accès à un logement HLM ou à une accession sociale, pour l’octroi de prêts spéciaux, pour l’acquisition des terrains mis en vente par les organismes chargés de l’aménagement des zones à urbaniser en priorité ou encore  pour l'acquisition de locaux mis en vente par les organismes constructeurs dans les zones à urbaniser par priorité et dans les périmètres de rénovation, etc (Code de l’Expropriation : L.14-1, cf. droits des occupants dans les opérations d’aménagement).

Les spécificités de l'expropriation en copropriété

Un immeuble en copropriété peut faire l'objet d'une expropriation, totale ou partielle, au même titre qu'un immeuble en mono propriété.

L’expropriation peut concerner la totalité de l’immeuble, ne porter que sur les parties communes, toucher uniquement les parties privatives d’un ou de plusieurs lots à l’exclusion de toute partie commune ou porter sur un ou plusieurs lots assortis de leurs quotes-parts de parties communes.

La loi du 10 juillet 1965 (art. 16-2) pose les principes suivants :

  • L'expropriation pour cause d'utilité publique d'un immeuble bâti, d'un groupe d'immeubles bâtis ou d'un ensemble immobilier est poursuivie et prononcée lot par lot à l'encontre des copropriétaires et titulaires de droits réels immobiliers concernés, ainsi que, lorsqu'elle porte également sur des parties communes en indivision avec d'autres copropriétaires, à l'encontre du syndicat.
    Lorsque l'expropriation porte uniquement sur des parties communes à l'ensemble des copropriétaires, elle est valablement poursuivie et prononcée à l'encontre du syndicat représentant les copropriétaires et titulaires de droits réels immobiliers.
  • Lorsque l'expropriation est poursuivie et prononcée à l'encontre du syndicat, les sommes représentant le prix des parties communes cédées (indemnités compensatrices) se divisent de plein droit entre les copropriétaires dans les lots desquels figuraient ces parties communes et proportionnellement à la quotité de ces parties afférentes à chaque lot (loi du 10.7.65 : art. 16-1).

Conclusion

Le propriétaire privé qui subit la démolition du logement qu’il occupe n’a aucun droit au relogement. Il ne peut prétendre qu’à une indemnisation pécuniaire et à un dispositif destiné à l’aider dans son relogement.

Retour en haut de page